Je connais des gens athées qui croient en un dieu.
Un dieu vivant, non imaginé par l'homme. Les lieux de recueillement se situent dans les cathédrales des océans, des airs, des montagnes, des forêts tropicales, des déserts, des savanes ou même des écuries.
Un seul regard échangé avec l'une de ces idoles déclenche une confession silencieuse, une remise en question personnelle et morale de nos relations avec les autres. C'est ce qui m'a été rapporté.
Pourquoi vénérer un animal vivant plutôt qu'une icône à notre image ? Probablement parce que l'animal ne nous ressemble pas et ne peut nous rendre son jugement. Il n'a jamais déclenché de guerres, d'attentats ou d'holocauste. Son ascétisme le rend plus pur et force le respect à nous humains, drogués par notre civilisation de consommation à outrance.
Je me souviens de ce jour où, ayant mis un pied à terre sur le quai d'un port à la Réunion, je me demandais si j'avais réellement vécu la scène que je venais de voir ou si je l'avais rêvée. Une heure auparavant, je venais de croiser pour la première fois de ma vie, le regard d'une baleine à bosse.
Entrer dans l'océan est un baptême. Un retour dans le ventre de la mère. Notre corps est une poussière microscopique au milieu de l'immensité des vagues, flottant au-dessus des abîmes. On entre lentement dans cette cathédrale où la surface de l’eau est l'unique vitrail qui illumine les 30 premiers mètres. Il faut patienter des heures, parfois des jours pour espérer croiser sa divinité. Nous, pauvres pécheurs, humbles car vulnérables dans la nature, souhaitons être interceptés du regard pour se sentir, l’espace de quelques secondes, désigné comme étant l’élu.
Ces personnes apprécient moins la présence de leurs semblables que celle des animaux. Elles fuient généralement la foule et les villes sauf quand il s’agit de transmettre sa foi et son expérience. Le dilemme intervient dans les festivals et les lieux d’exposition où il faut faire bonne figure face aux visiteurs pendant deux ou trois jours. Mais il faut bien se faire connaître pour vendre ses tirages, des livres ou des voyages organisés. Les plus fervents ne se montrent jamais. Certains gardent leurs images pour illustrer leur propre livre de chevet, les plus purs ne s'encombrent pas d'un appareil photo.
Je ne fais pas partie de cette population mais leur religion solitaire m’impressionne. Leur connaissance de la nature et des écosystèmes les place en tant que serviteur et défenseur d’une belle croisade pacifique. Je sais que je serai toujours un imposteur mais j’aime entrer dans ces cathédrales, approcher ces divinités et toucher du doigt le livre de la Genèse qui a inspiré Michel-Ange.
L’index de Dieu me changera peut-être en dauphin, en orque ou en baleine à bosse?
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