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Photo du rédacteurVictor Madelaine

Mon "sardin run" de looser

Dernière mise à jour : 8 déc. 2024




Comparer ses photographies à celles des autres et se rendre à l’évidence qu’elles ne rivalisent pas en termes de qualité et d’esthétique provoque tout naturellement un état de frustration absolue. Voilà, c’est dit, je suis jaloux, ça m'arrive aussi.

Les photographes me comprendront. En toute honnêteté, investir dans un matériel coûteux (sans parler du voyage et de l’organisation) pour ne ramener que des images de modeste qualité, laisse un goût amer.

Sommes-nous réellement des amoureux du monde animal ou cherchons-nous à complaire notre égo devant une photographie réussie ? J’entends déjà votre réponse, un peu des deux sûrement. Régulièrement, je croise des personnes qui n’ont que faire de la photographie et qui se contente simplement d’admirer les animaux dans leur milieu naturel. Je les envie presque. Pouvoir se libérer de cette fierté qu’offre l’exposition de trophées, soulage la pression des objectifs fixés et permet d’être plus présent dans le temps de la rencontre et l’expérience vécue. Mon argument est pourtant louable, la photographie fait partie de ma vie depuis l’âge de 16 ans. C’était et c’est toujours une passion qui a l’avantage d’être un outil de création facile et rapide à exploiter.


De retour à Paris en regardant mes images chargées de milliers de particules sur l’écran du Mac, je prends du recul sur ma déception.

La vie aquatique d’Afrique du Sud s’affiche au fur et à mesure que j’ouvre les dossiers de ma carte mémoire. Baleines de Bryde, baleines à bosse, dauphins commun, grands dauphins, requins bordés (blacktip), requins obscurs (dusky), requins-taureau (raggies), raie manta, sans parler des fous de Bassan et les cormorans. Cette beauté sauvage est inspirante. Qui n’aurait pas envie et le souhait de partager une telle expérience auprès de tous ceux qui y sont sensibles ? Alors oui, j’aurais préféré sortir des images plus propres mais il n’y avait rien à faire face aux conditions de visibilité sous l’eau.

Nous venons de vivre des moments rares. Seuls 35 français se sont rendus à Port Saint John’s entre mai et juillet 2023 pour la saison du Sardine Run en Afrique du Sud parmi beaucoup d'autres nationalités venues du monde entier. Wikipédia vous informera beaucoup mieux que moi sur cette migration de sardines, maquereaux et autres espèces qui attire de nombreux prédateurs au même endroit. Je vous parlerai plutôt de mon expérience, mes déconvenues et mes espérances.

Ma femme Isabelle m’en parle depuis des années comme étant le Graal pour un photographe sous-marin. Cette expédition représente un budget à peu près équivalent à un safari, ça se planifie à l’avance. Le photographe français Greg Lecoeur a gagné de nombreux prix internationaux grâce à l’une de ses photographies du "sardine run". Ce sont ses photographies et celles d’autres photographes qui nous ont donné envie d’assister à cet évènement hors du commun.

L’avion monomoteur biplace rouge Ferrari de Brad décolle tous les matins vers 6H30 afin de repérer les bancs de sardines qui se déplacent sur plusieurs centaines de kilomètres, le long de la Wild Coast. Cela permet de gagner du temps et d’économiser du carburant pour le bateau semi-rigide qui nous emmènera rapidement sur les zones d’activités.

Il faudra d'abord observer le ballet des fous du Cap piquant vers la surface de l'eau les ailes repliées. Si le rythme en escadrille est régulier et que la « bait ball » ne se déplace pas, alors ce sera le bon moment pour se mettre à l'eau. Nous devrons nous équiper rapidement et attendre que Jason, notre "dive master" nous confirme la présence d'une boule de poissons formée et stable.

Au signal de Kent, notre skipper qui annonce le décompte "three, two, one, go!", nous basculons en arrière, ceinture de plomb à la taille pour garder un palmage sous la surface de l’eau. Mon masque prend l'eau sur le côté droit, mon caisson étanche équipé de deux flashs me freine dans ma nage. Désorienté, je dois repérer où est l'action au milieu des murs de bulles provoquées par le remous des palmes et le manque de visibilité. Le soleil est encore bas au-dessus de l'horizon.

La boule est enfin-là qui tournoie sur elle-même. Mon œil droit reste fermé dans mon masque à moitié noyé mais je n'ai plus le temps de le vider. Il faut trouver sa place parmi les huit plongeurs déjà présents sur place. Mon index droit tire nerveusement sur la gâchette du déclencheur. Ça va vite, très vite. La boule à facettes me donne le tournis. Je vois des requins virevolter dans la masse mouvante des sardines. J’apprendrais plus tard que les fusées que j’apercevais étaient des thons. Mes flashs ne fonctionnent plus. Un coup d'œil en direction de mon écran de contrôle qui m'indique un message d'erreur écrit sur deux lignes en blanc sur fond noir du genre : “Retirez la batterie et réinsérez là”. Je suis piégé et dégoûté, impuissant devant ce spectacle éphémère, condamné à observer sans pouvoir prendre de photos.

De retour sur notre semi rigide, les lèvres pincées restent muettes au milieu d'une cacophonie exaltée. Vous avez vu la baleine et son bébé ? Je sens le poignard vriller entre mes tripes. Mon vieux Sony A7RII et son caisson Ikelite sont maudits et le retard pris à la mise à l'eau a été fatal. Une chance comme celle-ci ne se reproduira peut-être pas pendant le séjour. Énervé, je m'en prends injustement à ma femme qui a mis la pompe à air à l'autre bout du bateau dans une cale sèche. Malgré mon humeur massacrante, elle m'aide en me tendant une serviette. Il ne manquerait plus que j'arrose le dos de mon appareil avec de l'eau salée. La batterie remplacée, je visualise mes photos. 3 photos dont une ratée, une avec une palme devant et une passable. Je n’avais même pas eu le temps d’ajuster mes flashs en mode manuel. David, un photographe amateur talentueux qui fait partie de notre groupe me l’avait pourtant dit, pas besoin de flash. Pourtant, avant mon départ, au visionnage des photos sur internet prises sur les différents "sardine run", on voit bien l’utilisation d’éclairages additionnels pour figer la vitesse de déplacement des fous de Bassan, cormorans, requins et dauphins. A posteriori, je dirais que les flashs ne sont utiles que lorsque l’eau n’est pas chargée en particules de tout genre sinon c’est l’effet guirlande de Noël assurée.

Mort de faim, le couteau entre les dents, c’est l’attitude à adopter dans ce genre de situation pour se jeter à l’eau dans les premiers pour être certain de rien rater. Oublions la zénitude et la méditation devant ce spectacle naturel, poussez-vous j’arrive !


Une dizaine de jours plus tard, la tension est retombée. Inutile de s’en prendre à soi-même, ni à son matériel (quoi que). Notre semaine clôturait la dernière de la saison. Il fallait s’attendre à ce que nous récupérions les miettes des sardines retardataires. C’est souvent la même histoire, les autres ont eu de meilleures conditions parce qu’ils ont eu de la chance et pas toi. On va se consoler avec cette fausse croyance d’enfant gâté pourri et aussi se dire que bientôt il y aura deux types de personnes, ceux qui vivent des expériences heureuses ou malheureuses et ceux qui écriront un prompt pour que MidJourney leur crée une photo de "sardine run" avec un fou de Bassan, un requin et une baleine de Bryde défonçant une "bait ball" dans le même cadrage.


Plus de place sur mon site pour charger les images du "sardin run". RDV sur mon insta @victormadelaine pour voir les photos postées au fur et à mesure...





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