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Photo du rédacteurVictor Madelaine

Nuit, veux-tu m'apprivoiser ?




L'obscurité ne m'attire pas spécialement. Le jour encore moins.

Entre le gouffre qui engloutit toute onde lumineuse et la lumière crue qui dessine les contours des reliefs dans lesquels nous évoluons instinctivement, il y a ce fameux passage de transition où cohabitent les premiers éclairages artificiels sur un fond d’encre bleuie. Les lumières de la ville rassurent et nous guident dans leurs halos, tels des îlots salvateurs pour les naufragés qui auraient perdu la vue.

Tandis que nous tournons le dos au soleil, l’architecture se dessine sous les modeleurs des nombreux flux variés de lumières artificielles. Les vitrines éclairées font office de chaudes boîtes à lumière, les bols des éclairages publics projettent les lignes saillantes des perspectives urbaines. Les gaz des tubes fluorescents filtrent les degrés Kelvin dans un nuancier de teintes chaudes à froides. Les phares, diodes, ampoules, filaments se jouent de la balance des blancs paramétrée dans le boîtier photographique. La justesse des couleurs rit d'elle-même dans la désinhibition de son ivresse.

Le théâtre de l’obscurité inquiète d’autant plus quand il s’agit d’une nouvelle scène, inconnue jusqu’alors.

Le boîtier vissé sur le trépied, lui même posé sur l’épaule, je m’aventure, doué de phototaxie positive, mes sens instinctivement attirés par les photons disposés sur la palette qui s’offre à mon observation, prêts à exciter les photosites de mon capteur CMOS. Plusieurs dizaines de secondes sont nécessaires à l’accouchement d’une image, la naissance d’une photographie empruntera, elle, le processus subjectif du choix de l’opérateur.

L'œuvre d’art est une question de choix disait Duchamp et le bon goût, l'ennemi de l’Art. Rien de pire que d’enfanter une carte postale et pourtant l’Art ne devrait-il pas fédérer le plus grand nombre d’après Kant. Mon laïus à moi, c’est la surprise et l’étonnement. Comment une petite source de lumière peut-elle autant diffuser son aura ? Comment le mélange des températures de couleurs interagissent avec leur milieu ? Comment un espace insignifiant peut devenir le décor d’une scène de théâtre ?

Les photographes qui ont choisi la nuit comme champ d’opération essaient de prévisualiser l’image de leur capteur à matrice de Bayer, capteur qui a l’avantage de cumuler la lumière le temps de l’exposition. La vision humaine s’acclimate à l’obscurité après un certain temps d’adaptation mais ne peut laisser la lumière s’accumuler dans le fond de son globe oculaire. Il y a une certaine forme de magie lorsque l’image apparaît sous des couleurs que l'œil n'a pas pu percevoir avant. La photographie ainsi créée malgré l’aplat de ses deux dimensions hauteur / largeur, dissimule un espace temps de plusieurs dizaines de secondes, figé et découpé dans une fenêtre.

La contemplation permet de s’évader au-delà de la fenêtre dans une troisième dimension imaginaire.

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