Mon corps enveloppé de néoprène flotte à la surface des eaux méditerranéennes aux abords de Port-Cros. Respirant calmement dans mon tuba, j’observe à travers les carreaux de mon masque un des apnéistes stagiaires tapi au fond sur un matelas de Posidonie. Immobile, semblant dormir dans son élément, j’aimerais moi aussi connaître comme lui cette sensation de maîtriser pendant quelques minutes une double vie sous-marine et terrestre. Descendre à 20 mètres sous le niveau de la mer n’est pas difficile avec un peu d’entraînement. Y rester quelques minutes offre une toute autre dimension, celle de cohabiter dans un monde parallèle, vivant, sauvage et mystérieux. Carol est pêcheur sous-marin dans la région depuis son plus jeune âge ce qui lui a permis d’acquérir une autonomie pulmonaire supérieure à nous tous. Il a aussi travaillé son apnée statique avec notre professeur de renommée mondiale dont le record du monde n’a jamais été battu depuis 2009 avec une apnée de onze minutes et trente-cinq secondes.
Il me faut améliorer ma verticalité en descente en poussant énergiquement sur mes bras à la première brasse, équilibrer les tympans, amplifier mes trois palmages avant de me laisser couler. Arrivé en bas, mon cerveau me rappelle que je ne suis pas un poisson. Mes poumons manquent d’air, une légère angoisse prend le pouvoir et m’ordonne de ne pas jouer les héros. Déjà, je me vois renoncer à ces quelques secondes supplémentaires, synonymes de plénitude. A chaque remontée c’est la même réflexion ; se dire qu’on aurait pu rester encore un peu, que la prochaine descente sera plus longue. Pour ce faire, il me faudra être moins crispé à force de penser à tous les détails techniques, être plus décontracté. L’apnée est révélatrice de la nervosité que j’essaie d’étouffer au quotidien. Réapprendre à respirer, oublier l’environnement extérieur, je comprends maintenant pourquoi cette pratique est devenue tendance.C’est beau, l’observation d’un apnéiste évoluant au fond de l’eau. L’économie d’énergie dégage une sensation de douceur et de respect chorégraphique avec l’élément aquatique.
Pas le temps de prendre le caisson pour faire des images, chaque minute sert à mettre en pratique les techniques nouvellement apprises. Vider son air vicié, se détendre et engager ses poumons à inspirer le maximum d’air tout en positionnant idéalement son corps et ses membres. Aucune photo ne sera prise au cours de ses 3 jours en mer malgré la présence des mérous, saupes, sérioles, bogues et dentis. A part le premier, je n’en connaissais aucun. Plus je rencontre des gens, plus je me sens ignorant.
Les seules photos prises cet été auront été faites principalement en Camargue. Pas une seule dans les Pyrénées, ni dans les Pays de la Loire, quelques-unes sans intérêt de Globicéphales en Méditerranée. Ma pratique de la photographie s’essouffle en attente de renouveau. Marre de réaliser des images qui ne m’émeuvent pas, dont la maturité créative tarde à émerger. Même avec un sujet en or mon inspiration manque de souffle.
Un recul nécessaire pour avancer, une expiration forcée pour mieux inspirer ?
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